Jérôme Langlet – Lagardère Live Entertainment : « Nous accueillons plus d’un million de spectateurs dans nos salles chaque année et produirons en 2019 plus de 500 dates de spectacles »

10
minutes
Jérome Langlet, Président de Lagardère Live Entertainment

Considérer que tous les grands groupes opérant dans le secteur du live en France mènent des offensives est une contre-vérité. Le positionnement singulier de Lagardère Live Entertainment en matière de production de spectacles en est l’un des meilleurs exemples. Le chiffre d’affaires de 438 millions d’euros réalisé en 2018 par le pôle Lagardère Sport and Entertainment est très largement composé des revenus d’activités liées au sport, et surtout, contraste avec l’approche de Lagardère Live Entertainment qui se défend d’appréhender le secteur du live comme une industrie où la course aux profits est de mise. Dans un entretien à CULTUREBIZ, Jérôme Langlet explique la stratégie pilotant les activités de la structure et déployée dans des domaines comme la sécurité ou la billetterie. Le Président de Lagardère Live Entertainment fait également part des orientations en cours et à venir en vue de permettre le développement et la croissance des activités de gestion de salles et de production de spectacles.

CULTUREBIZ : Pouvez-vous détailler les principaux marqueurs du positionnement et de la singularité de Lagardère Live Entertainment ?

Jérôme Langlet : Sur la partie Production, pour que notre stratégie fonctionne, nous avons fait le choix de nous concentrer sur quelques projets chaque année. Produire des spectacles demande beaucoup de travail, de temps et d’investissements, aussi j’ai fait le choix de ne travailler que sur quelques projets ciblés chaque année. Mes équipes consacrent ensuite leur temps à œuvrer à leur réussite. Multiplier les projets se fait souvent au détriment des artistes, je suis convaincu que si l’on veut réussir on doit d’abord penser à l’artiste. Ce positionnement est une valeur ajoutée pour nos artistes qui nous sont fidèles depuis le début de nos collaborations. Parallèlement nous travaillons également en partenariat avec des sociétés de production indépendantes telles que le Rat des villes (Alain Lahana), avec qui nous coproduisons le concert de Phil Collins au Groupama Stadium en juin prochain, mais aussi Far Prod (Fabienne Roux) pour la tournée de Jean-Louis Aubert. Avec L Production, la structure dédiée à l’activité de production, nous produisons les spectacles d’une dizaine d’artistes dont M, Jean Louis Aubert, Phil Collins, Kev Adams ou encore Les Choristes, qui s’est notamment exporté au Canada et en Chine.

Lagardère Live Entertainment c’est une équipe à taille humaine avec la force d’un groupe. Notre force, c’est notre équipe composée de 75 personnes de profils différents, qui travaillent pour développer les spectacles des artistes que nous produisons, proposer des solutions innovantes et d’offrir des services nouveaux pour la gestion des salles. Être une filiale du groupe Lagardère nous permet d’avoir les moyens de nos ambitions avec une capacité à investir, que ce soit pour entretenir des établissements qui font partie du patrimoine de la Culture comme le Théâtre des Folies Bergère, ou sur des services comme la billetterie pour optimiser les ventes. En plus du service dédié à la production, nous avons notamment développé des services dédiés à l’artistique, au marketing, ainsi qu’à la billetterie.

En parallèle, notre activité de gestion des salles couvre l’Arkea Arena de Bordeaux, l’Arena du Pays d’Aix, les Folies Bergère, le Casino de Paris, le Bataclan et nous sommes aussi actionnaire du Zénith de Paris. Le Casino de Paris et Les Folies Bergère sont dans le Top 5 des salles qui accueillent le plus de spectacle avec chacune plus de 300 spectacles par an. L’Arkea Arena, qui a accueilli durant sa 1ère année plus de 410 000 spectateurs est d’ores-et-déjà la 1ère salle de province en termes d’affluence. C’est une salle qu’on a conçue, coréalisée, et qu’on exploite aujourd’hui en accueillant des artistes français et internationaux tels que M, Shakira, Soprano ou encore Les Enfoirés.

« Nous avons pour objectif de parvenir à un équilibre entre gestion de salles et production de spectacles »

Comment se portent les activités de Lagardère Live Entertainment et quels en sont les principaux indicateurs ?

L’activité de Lagardère Live Entertainment a considérablement augmenté depuis sa création en 2011 et elle est en développement constant. Nous accueillons plus d’un million de spectateurs dans nos salles chaque année et nous produirons plus de 500 dates de spectacle en 2019. Les concerts représentent environ 75% de notre activité. Nous ne sommes pas dans une logique de faire croître le nombre de spectacles d’une année sur l’autre. Ce chiffre pourrait donc augmenter ou diminuer en 2020. Nous avons signé une dizaine d’artistes depuis le début de notre activité de production il y a trois ans. Le ratio entre l’activité de production et celle de gestion de salles est variable selon que l’on parle en termes de revenus ou de rentabilité. Ce que je peux dire, c’est que la gestion des salles est un business bien plus prévisible sur le moyen terme, puisque l’on sait approximativement combien de spectacles on va accueillir. A contrario, l’activité production est par essence beaucoup plus fluctuante. Certaines années nous pouvons produire trois ou quatre grosses tournées, et d’autres où nous produisons moins de spectacles sur des jauges plus petites. Globalement, dans la mesure où nous sommes en phase de développement, l’activité de gestion de salles doit représenter environ 70% de nos revenus, et nous avons pour objectif de parvenir à terme à un équilibre entre la gestion de salles et la production de spectacles.

Pouvez-vous résumer votre approche vis-à-vis du sujet de la sécurité ?

Nous nous devons d’accueillir le public au sein de nos salles dans les meilleures conditions possibles, la sécurité en fait partie et doit rester prépondérante, et celle-ci est garantie grâce au travail de nos équipes et à une collaboration étroite avec les pouvoirs publics. Au-delà de la menace terroriste, il y a aussi les risques d’accidents liés à des dysfonctionnements techniques. Notre travail est d’être irréprochables, chaque jour nos équipes sont appelées à être particulièrement regardantes sur le respect des normes de sécurité.  Il existe des règles strictes et des pratiques à respecter. Lorsque qu’une équipe de production arrive dans une salle que nous avons en gestion avec du matériel jugé non-conforme par un bureau de contrôle, nous demandons à la production de l’artiste de ne pas utiliser ce matériel, quitte à ce que le concert soit annulé, comme cela s’est produit en mars dernier avec le concert de Nicki Minaj à l’Arkea Arena (Bordeaux).

Les majors de la musique live ont aussi un rôle à jouer dans le développement d’artistes de par leur capacité à investir. Live Nation France revendique une majorité d’artistes en développement parmi les artistes français de son catalogue. Avez-vous l’intention d’accompagner de nouveaux talents ?

Nous avions commencé notre activité de production avec des têtes d’affiche parce que nous devions nous donner les moyens de nos ambitions. Aujourd’hui, notre volonté est de nous engager sur des artistes émergents pour que notre expertise et nos moyens bénéficient et contribuent au développement de la scène musicale. Lagardère Live Entertainment gardera son positionnement avec un nombre de projets limité, mais nous discutons déjà avec plusieurs artistes pour développer de nouveaux projets dans les mois à venir.

« Nous n’avons pas l’intention d’acquérir des sociétés de production »

Comment travaillez-vous les aspects liés à la billetterie et au marketing et quelles sont vos priorités dans ces domaines ?

Nous mettons en vente toute la billetterie des spectacles produits par Lagardère Live Entertainment. Nous avons donc acquis de nombreuses données. Je pense que le secteur du spectacle est en retard dans ce domaine, et pour cause, ce n’est pas le cœur de métier du producteur qui intervenait traditionnellement surtout sur la création et le développement du spectacle. Aujourd’hui la billetterie devient un élément clé, il ne s’agit plus de construire un spectacle mais aussi de le faire connaître pour faire venir le plus de monde possible et qu’il rencontre le succès. C’est un domaine très technique, pour parvenir à maitriser et utiliser les données compilées nous travaillons avec des startups spécialisées comme Delight. Notre approche se résume de la manière suivante : mieux comprendre, mieux analyser, et mieux utiliser. La priorité est de savoir comment connaître le public de chaque artiste et de chaque spectacle, d’utiliser au mieux les données et d’aiguiller les artistes dans leur communication. Nous souhaitons aussi apporter les meilleurs services à nos clients pour les spectacles organisés dans nos salles. Notre objectif est de vendre le plus de billets en direct via nos salles, et pour ce faire nous avons des équipes dédiées au marketing en charge de développer la vente de billets. C’est essentiel et dans l’intérêt de tous : le public aura des informations plus claires sur les spectacles, l’artiste pourra toucher directement ses fans et le producteur dépensera moins en marketing et pourra investir davantage sur la création pour rendre les spectacles encore plus attractifs. Nous ne précisons pas la part exacte de billets vendus pour les spectacles dans nos salles mais elle est supérieure à 20%.

Outre les recettes issues des spectacles produits et organisés au sein des salles liées à Lagardère Live Entertainment, comment se résume la stratégie qui devrait driver votre développement ? Des opérations d’entrées dans les capitaux, de rachats de sociétés de production, de structures organisant des festivals ou d’acquisitions de salles sont-elles en projet ?

Optimiser la gestion des salles et acquérir de nouvelles salles font parties de nos orientations. Nous n’avons pour l’heure pas d’annonce à faire tant que nous n’avons pas bouclé d’opération ou remporté d’appels d’offres. Nous espérons de nouvelles annonces d’ici la fin de l’année.

Nous n’avons pas l’intention d’acquérir des sociétés de production. Je préfère que l’on signe et développe nous-mêmes les artistes grâce aux compétences de nos équipes et nos moyens. En revanche, nous sommes très ouverts à l’idée de nous associer avec d’autres producteurs lorsqu’il y a une complémentarité et donc une valeur ajoutée pour coproduire certains artistes.

Concernant les festivals, nous n’investissons pas car une partie des budgets des festivals vient de financements publics. C’est difficile pour une société de racheter des festivals qui dépendent de financements publics. Il serait plus probable que l’on crée un nouveau festival plutôt que l’on rachète un festival existant.

Partager cet article