BRIEF musique enregistrée – Réglementation – mars 2020 2/2

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Retour sur les principales actualités en matière de cadre réglementaire dans le secteur de la musique enregistrée. Sont abordés la rémunération des artistes-interprètes, la rémunération des auteurs, les quotas radios, le contentieux entre Sonos et Google, le crédit d’impôt, la convention collective, le code des usages de l’édition musicale et l’accord entre Spotify et Warner Chappell.

Rémunération des artistes-interprètes / Directive droit d’auteur / Assemblée Nationale – Le principe de la rémunération proportionnelle des artistes-interprètes, instauré par la directive droit d’auteur, est repris dans le projet de loi audiovisuel voté par la Commission des affaires culturelles début mars. Les dispositions prévues par l’article 18 du projet de loi pour les auteurs sont reprises au bénéfice des artistes-interprètes. L’article 20 prévoit ainsi que les artistes-interprètes « peuvent prétendre à une participation proportionnelle aux recettes issues de l’exploitation des œuvres auxquelles ils ont contribué ». En revanche, ce droit à rémunération proportionnelle pour les artistes-interprètes est adossé à des exceptions telles que la nature de l’exploitation, le caractère non-essentiel de la contribution de l’artiste-interprète à l’interprétation de l’œuvre, ou l’impossibilité de déterminer la base de calcul ladite rémunération. Aussi, il est donné la possibilité de recourir à un forfait annuel pour la rémunération en contrepartie de l’exploitation. En somme, le texte reste imprécis quant à l’instauration d’une rémunération proportionnelle pour tous les artistes-interprètes.

Rémunération des artistes-interprètes / Directive droit d’auteur / SPEDIDAM – Réagissant à l’adoption du projet de loi relatif à la réforme de l’audiovisuel, la SPEDIDAM a regretté que le texte ne soit « toujours pas de nature à assurer l’objectif affiché par les institutions européennes », et que par conséquent il « n’apportera aucune amélioration à la situation des artistes-interprètes ». Pour rappel, l’organisme de gestion collective chargé de collecter et de répartir les droits pour le compte des artistes-interprètes, qu’ils soient interprètes ou musiciens, demande depuis plusieurs années que soit instauré un droit à rémunération proportionnelle à l’exploitation des œuvres sur le streaming, et la possibilité d’aller percevoir directement cette rémunération auprès des plateformes. « Les choix rédactionnels effectués renforcent au contraire un mécanisme en application duquel les artistes-interprètes cèdent, dans leur immense majorité, l’ensemble de leurs droits en contrepartie d’une rémunération forfaitaire unique et dérisoire, et ce quelle que soit la réalité et la durée de l’exploitation de leurs enregistrements » considère la SPEDIDAM.

Quotas radios / SIRTI – Le syndicat des radios indépendantes (SIRTI) a dressé un bilan très critique des nouvelles mesures relatives à la diffusion des titres francophones en radios instaurées par la loi LCAP en 2016. Pour rappel, la loi « Liberté de création » avait plafonné les rotations, en ne prenant plus en compte celles afférentes aux dix titres les plus diffusés dès lors qu’elles représentent plus de la moitié des diffusions, pour inciter les radios à diversifier le nombre de titres exposés. Le SIRTI, qui représente 172 radios indépendantes, estime que « le durcissement des quotas radios n’a pas rempli son rôle » et décrit les mesures en vigueur depuis 2016 comme de « nouvelles contraintes ayant eu des effets pervers », telles que la dilution des titres francophones, la baisse d’attractivité de la musique pour les radios, et la baisse d’intérêt des producteurs pour les autres genres au profit des musiques urbaines. En amont de la remise de la « mission flash » des députées Florence Provendier et Michèle Victory à la commission des affaires culturelles, et de l’ouverture des débats sur la réforme de l’audiovisuel, le SIRTI a proposé la suppression des mesures de la loi LCAP, l’élargissement des mesures relatives à l’exposition des catalogues sur les plateformes VOD (suite à l’adoption de la directive SMA) aux plateformes de streaming musical, la redéfinition du terme « nouveaux talents », ainsi que la mise en place d’une charte de la diversité musicale en radio.

Quotas radios / Assemblée Nationale – Les députées Florence Provendier et Michèle Victory ont remis les conclusions de leur mission relative aux quotas radios à leurs homologues de la commission des affaires culturelles en décembre dernier. Outre l’exploitation des données en la matière, constituées notamment par le « baromètre de la diversité musicale dans le paysage radiophonique », les deux parlementaires ont procédé à des auditions des acteurs de l’industrie, dont les producteurs, les diffuseurs, les organismes de gestion collective, ou les plateformes de streaming. Parmi les dispositions plébiscitées par les députées figurent l’amélioration de la pertinence des données « de sorte à déterminer avec précision les liens de causalité entre quotas et création francophone », notamment en confiant une étude au Centre National de la Musique et au CSA pour évaluer les effets des quotas en matière de création et de production, mais également vis-à-vis du modèle économique des radios. L’une des informations essentielles du rapport de Florence Provendier et Michèle Victory porte sur la préconisation d’assouplir les mesures plafonnant les rotations, éventuellement en élargissant la période d’évaluation des radios. La redéfinition du terme « nouveaux talents », demandée par le SIRTI, et des « nouvelles productions » est également mentionnée. Parmi les autres préconisations, celles d’un bonus pour inciter les radios à plus de diversité, la création d’un régime spécifique pour les radios thématiques, ainsi que l’instauration d’un quota relatif aux titres produits sur le territoire européen tout en maintenant le quota de titres francophones. Sur la question de réguler les plateformes de streaming en matière d’exposition des répertoires francophones, le rapport mise sur la prudence et la conciliation avec une concertation et la signature d’une « charte de la francophonie et de la diversité musicale ».

Quotas radios / Assemblée Nationale – Lors des débats sur le projet de la loi relatif à la réforme de l’audiovisuel en Commission des affaires culturelles qui ont eu lieu le 2 mars, un amendement portant sur la création d’un régime pour les radios thématiques, qui diffusent un genre en particulier, a été proposé par la députée Florence Provendier. « Dans certains genres musicaux comme la dance ou la musique latino, la production d’expression francophone est assez limitée, ce qui oblige certaines radios à diffuser d’autres genres ou à privilégier des remixes d’anciens artistes afin de respecter les quotas, alors que le dispositif vise la promotion de nouveaux talents » a expliqué la députée. L’amendement permet l’autorisation d’un quota de 20% de titres francophones par l’ARCOM et le Centre National de la Musique. Aurore Bergé, rapporteure générale, a émis un avis favorable. Franck Riester, Ministre de la Culture, a également exprimé un avis favorable, proposant aux députées Aurore Bergé, Florence Provendier et Michèle Victory d’échanger pour « voir comment on peut aller plus loin dans la précision de la rédaction pour mieux définir les radios thématiques et mieux encadrer les marges de manœuvre du CNM ». L’amendement a été adopté.

Quotas radios / Assemblée Nationale – Un amendement proposé par Florence Provendier et Michèle Victory et proposant d’assouplir les hautes rotations introduites par la loi LCAP a été débattu en Commission des affaires culturelles. La proposition portait sur le relèvement du le plafonnement de 50 à 60% pour la prise en compte des rotations des dix titres les plus diffusés. Du point de vue de Florence Provendier, « les travaux que nous avons menés lors de la mission flash ont montré que cela pouvait être pénalisant. Nous avions envie d’aller beaucoup plus loin mais 60% nous parait juste et équilibré ». Pour la députée Michèle Victory, « il a beaucoup été dit qu’avec cette disposition on avait plus d’artistes dans le top 100 mais moins dans le top 10, et il faut se poser la question de ce qui est le plus intéressant, ce qui est assez difficile. Évoluer et donner des ouvertures parait quand même intéressant ». Un avis favorable avait été donné par Aurore Bergé, soulignant « une demande importante de lisibilité et de simplification par rapport aux dispositions supplémentaires ajoutées dans la loi LCAP, mais qui ont été difficiles à appliquer pour les radios. Le CSA a d’ailleurs rappelé qu’il avait été particulièrement difficile de les faire appliquer. Cet assouplissement parait très raisonnable pour assouplir les modalités de calcul des rotations ». Néanmoins, le Ministre de la Culture a émis un avis défavorable, et obtenu le retrait de l’amendement. « Je partage aussi les objectifs d’assouplissement. Mais il se trouve que sur cette question de plafonnement il y a moins de consensus entre radios et professionnels de la musique. Je vais donc donner un avis défavorable, bien que je pense que l’on puisse arriver dans les prochaines semaines à une évolution. Les quotas sont un dispositif qui a vraiment accompagné la musique française et francophone ces dernières années pour permettre d’exposer les artistes avec des résultats importants en matière de ventes. Je demande donc un retrait pour que l’on puisse retravailler le dispositif et convaincre le maximum de professionnels afin que ce soit positif pour toute la profession » s’est justifié Franck Riester.

Quotas radios / Assemblée Nationale – Un amendement visant à élargir la durée d’évaluation du respect des quotas radios, d’1 à 3 mois, a été proposé par la députée Florence Provendier. L’objectif revendiqué est d’assouplir le dispositif encadrant l’exposition des répertoires francophones à la radio. L’amendement a été soutenu par la rapporteure générale Aurore Bergé, qui a déclaré qu’une « souplesse supplémentaire parait proportionnée, d’autant que personne ne remet en cause l’efficacité du dispositif ». Suite à un avis favorable du Ministre, qui a tout de même insisté sur la nécessité de permettre au CSA d’aller plus loin, l’amendement a été adopté en Commission des affaires culturelles.

Rémunération des auteurs / Directive droit d’auteur / Assemblée Nationale – Le projet de loi relatif à la réforme de l’audiovisuel, adopté en Commission des affaires culturelles, reprend les dispositions de la directive droit d’auteur concernant la rémunération des auteurs prévu au contrat d’exploitation. L’article 18 instaure le principe d’un « réajustement de la rémunération des auteurs prévue au contrat d’exploitation », en ouvrant pour les auteurs un droit « de prétendre à une rémunération complémentaire (…) lorsque la rémunération initialement prévue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation ».

Transparence dans les contrats des auteurs / Directive droit d’auteur / Assemblée Nationale – L’article 19 confère aux auteurs des droits en matière de transparence, comme le prévoit la directive droit d’auteur. L’auteur devra être destinataire au moins une fois par an d’informations explicites et transparents sur tous les revenus générés par l’exploitation de l’œuvre, avec précision des modes d’exploitation.

Sonos / Google – La fabricant d’enceintes Sonos a entamé une action en justice à l’encontre de Google auprès de deux tribunaux fédéraux au début du mois de janvier d’après le New York Times. Sonos reproche à Google d’avoir enfreint à son droit à la propriété industrielle, constitué entre autres par cinq brevets dont celui de permettre la synchronisation avec une enceinte connectée, ainsi qu’un abus de position dominante. Parmi les principales demandes de Sonos figurent des dommages et intérêts et l’interdiction aux États-Unis de la vente des enceintes Google Home.

Crédit d’impôt en faveur de la production phonographique – Le critère relatif à la francophonie du dispositif a été allégé lors de la clôture des débats du PLF2020. Proposé par la sénatrice Françoise Laborde, un amendement élargissant l’éligibilité au crédit d’impôt pour les labels indépendants TPE produisant un album non-francophone, à condition qu’ils produisent également un album francophone, a été adopté par le Sénat puis retenu en seconde lecture à l’Assemblée Nationale. « Cette nouvelle disposition légale va sans aucun doute permettre un meilleur accès des labels indépendants au CIPP et ainsi conforter leur activité, dans un contexte économique toujours contraint.

En outre, le fait que cette disposition ne soit réservée qu’aux plus petites entreprises garantit la pérennité de ce mécanisme fiscal, précieux pour les entreprises du secteur, en conservant un niveau raisonnable de dépense fiscale, dans un contexte budgétaire de rigueur » ont réagi le Syndicat des musiques actuelles (SMA) et la FELIN qui s’étaient mobilisés.  L’Union des producteurs phonographiques français (UPFI), qui « depuis plusieurs années sensibilise le Ministère de la Culture et les parlementaires sur les difficultés éprouvées par les TPE dans leur accès au crédit d’impôt s’agissant du respect de la clause de francophonie, et s’était prononcée en faveur d’un assouplissement », a également salué cette évolution.

Convention Collective Nationale de l’Édition Phonographique – Un avenant à la convention collective de la profession qui date de 2008 a été signé le 30 septembre 2019 par les syndicats. Les employeurs des artistes ont maintenant l’obligation de distinguer les rémunérations afférentes à la « prestation de travail d’enregistrement », à l’« autorisation de fixer » et à l’« autorisation d’exploiter en mode A » (correspondant à la mise à disposition au public), sur tous les bulletins de salaires établis depuis octobre 2019. Les rémunérations pour l’autorisation de fixer et l’autorisation d’exploiter sont définies comme équivalant à 50% de la prestation de travail d’enregistrement. Concernant l’autorisation d’exploiter, l’avenant précise que la rémunération des artistes est répartie à 50% entre « mise à disposition matérielle » et « mise à disposition immatérielle ». La rémunération des artistes reste la même.

Code des usages de l’édition musicale / Assemblée Nationale – Un amendement rendant effective l’extension du Code des usages dans l’édition musicale, signé en octobre 2017 par les syndicats d’auteurs et de compositeurs (SNAC, UCMF, UNAC) et les syndicats d’éditeurs (CSDEM, CEMF, ULM) a été adopté en Commission des affaires culturelles lors des débats sur la réforme de l’audiovisuel. Proposé par Jean-Jacques Gaultier, l’extension permise par cet amendement sera opérée par un arrêté du Ministre de la Culture.

Spotify / Warner Chappell – La plateforme de streaming et la société d’édition ont conclu un accord de licence pour l’exploitation des catalogues de Warner Chappell, pour plusieurs territoires dont l’Inde. Cet accord a ainsi mis fin au contentieux entre les deux sociétés, qui devait se régler devant les tribunaux de Bombay, à l’initiative de Warner Chappell qui accusait Spotify d’exploiter ses catalogues sur le marché indien sans autorisation.

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