La Culture s’invite dans la campagne présidentielle

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Le thème de la Culture avait été quasi-inexistant durant la campagne de 2012. Les acteurs s’en souviennent, le mot n’avait pas été prononcé lors du débat de l’entre-deux tours des présidentielles. Mais c’est une véritable rupture qui semble s’opérer en 2017. Les problématiques liées à la Culture trouvent écho chez certains candidats qui dévoilent une ébauche de programme.

La Culture espère tirer profit de la singularité de cette campagne présidentielle pour ne pas être lésée comme il y a cinq ans. Outre les promesses de campagne, c’est une véritable politique culturelle ambitieuse qui est plébiscitée. Il faut dire que le bilan du Gouvernement de François Hollande est très contrasté en matière de Culture. C’est d’autant plus vrai quand on passe du cinéma à la musique notamment. Fin janvier, la filière du Cinéma s’était félicitée des effets de la revalorisation des crédits d’impôt inscrite dans la Loi de Finances 2016 par la voix de Frédérique Bredin, Présidente du CNC. 500 millions d’euros de dépenses et 15 000 emplois créés sur le territoire pour le cinéma et l’audiovisuel grâce aux nouveaux crédits d’impôt. Autres avancées significatives récentes, la taxe YouTube adoptée dans le PLF 2017 qui ira droit au CNC ou le renforcement du soutien à l’export. Evidemment, certains enjeux restent au centre des préoccupations des acteurs 7ème art, comme la compétitivité des cinémas Art et Essai. Mais nul doute que le cinéma a nettement bénéficié d’une politique culturelle plus concluante que la musique et le spectacle.

La musique, parent pauvre de la politique culturelle

La musique appelle de ses vœux une politique ambitieuse avec des moyens et de véritables solutions. La Sacem se positionne en première ligne. Son Directeur Général a, lors d’un entretien sur la chaîne Public Sénat, plaidé la valeur économique et sociale de la musique et plus généralement de la Culture. Le désengagement de l’Etat a été flagrant ces dernières années, notamment auprès des festivals, et a conduit inexorablement à la disparition de plusieurs dizaines d’entre eux. « Les programmes des politiques se cantonnent à la dimension du rôle de l’Etat dans la Culture. 2/3 des dépenses publiques culturelles dépendent des collectivités territoriales » a déclaré Jean-Noël Tronc, regrettant que la musique soit « le parent pauvre de la politique culturelle en France ». Le Directeur Général de la Sacem a par la même occasion souligné le caractère décevant de la politique menée à l’égard de la Culture ces cinq dernières années: « Il y avait un projet en 2012 de créer un Centre National de la Musique – qui aurait permis d’ajouter un financement à partir de taxes qui existaient sur les FAI de l’ordre de 100 millions d’euros pour la musique – il a été abandonné. Il s’agissait d’un effort minimal pour un secteur qui représente 8 milliards d’euros et 240 000 emplois. Concernant la taxe YouTube, 100% des sommes iront au cinéma et non à la musique alors que l’essentiels des contenus vus sur YouTube c’est de la musique. »

La Musique plébiscite quinze mesures

Dans l’optique de voir le prochain Gouvernement et les prochains élus parlementaires corriger le tir, la filière de la musique présentera ses propositions ce vendredi. Il s’agit d’une quinzaine de propositions qui devraient être réalistes et abordables sur le plan budgétaire. L’export de la musique made in France en sera l’un des points d’orgue. Le timing n’a jamais été aussi parfait depuis la consécration de Stromae en 2014, à l’heure où des artistes comme Christine and the Queens sont attendus aux côtés de Rihanna, Beyoncé et Sia aux Brit Awards, où la révélation française de l’année 2016, Jain, s’exporte très bien et s’apprête à entamer une tournée américaine, tandis que le groupe PNL sera au festival Coachella. En parallèle, la musique mettra aussi l’accent sur l’enseignement artistique notamment. Le Directeur Général de la SPRD a expliqué le choix de cette priorité par le fait que « La France est une mauvaise élève en matière d’enseignement culturel. Il y a 3% de français qui sont dans un conservatoire de musique, il y en a 30 en Suède ». Or, dans le contexte social, économique et politique actuel, la Culture pourrait être une véritable valeur ajoutée dans l’éducation. L’objectif en la matière a été brièvement évoqué par Jean-Noël Tronc, il consiste en la création d’au moins un orchestre ou groupe de musique au sein de chaque école d’ici les cinq prochaines années.

Des convergences avec le programme de Benoît Hamon

Certains candidats à l’élection sont d’ores-et-déjà sensibles aux priorités portés par les acteurs de la musique et du spectacle. C’est à la surprise générale qu’en clôture du débat de l’entre-deux tours Benoît Hamon avait dédié sa carte blanche aux créateurs en plaidant pour une meilleure rémunération. A l’aube des Victoires de la Musique, le candidat du Parti Socialiste a donc dévoilé quelques propositions pour la Culture. La bataille de la valeur en ligne à l’échelle européenne figure dans les orientations de Benoît Hamon avec l’instauration d’une taxe sur les GAFA pour mieux rémunérer les créateurs. Emmanuel Macron, autre candidat à revendiquer de l’importance de la Culture dans son projet, envisage la création d’un « pass culture » pour les jeunes. D’une valeur de 500 euros, le candidat d’En Marche a déclaré qu’il serait financé par une taxe sur les acteurs du numérique et sur les diffuseurs et en partie par l’Etat. Interrogé, Jean-Noël Tronc a répondu ne pas se prononcer, au nom des créateurs regroupés au sein de la Sacem, sur la pertinence des propositions des candidats. Il a toutefois reconnu le caractère intéressant de cette idée d’Emmanuel Macron qui pourrait répondre à la problématique de l’inégalité de l’accès à la Culture. Ce dernier souhaite encourager la création du tant attendu Centre National de la Musique et a fait part de son intention, s’il était élu, de préserver le régime des intermittents. Autre priorité, l’éducation artistique. Le candidat songe à une Agence nationale pour la création artistique qui matérialiserait les synergies entre les ministères de la Culture et de l’Education avec les collectivités territoriales, ainsi que les acteurs culturels et de l’éducation. Des convergences sont constatées avec les axes de politique culturelle souhaitées par la Culture. Néanmoins, les acteurs de la Culture ne se sont pas prononcés sur les propositions de Benoît Hamon ni vis-à-vis du projet d’Emmanuel Macron. Une prise de position serait bien évidemment risquée et malvenue.

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