Marchés mondiaux de la musique : ce que révèlent le recul de la France à la 6è place derrière la Chine, et l’entrée du Mexique dans le top 10

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Le classement des principaux marchés de la musique enregistrée dans le monde a été communiqué par l’International Federation of the Phonographic Industry. La première information majeure mise en exergue par le classement porte sur la progression du Mexique. La deuxième est la confirmation du recul de la France, qui pour la troisième année consécutive n’est plus dans le top 5. Deux tendances qui illustrent une mutation du music business au niveau mondial, convergeant avec la configuration du monde actuellement en cours de changement. Une réalité que les acteurs et décideurs de l’Europe et de l’Amérique du nord ne semblent pas vraiment anticiper, comprendre, et encore moins pouvoir endiguer.

Le top 4 des marchés mondiaux de la musique enregistrée est inchangé en 2024, et ce depuis 2018. Les États-Unis restent le leader incontesté et hors d’atteinte, suivis par le Japon, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Un ordre qui n’a pas toujours été le même, puisque le Royaume-Uni devance l’Allemagne depuis dix ans, exception faite de l’année 2017. En 2014 et 2013, et entre 2008 et 2011, le marché allemand occupait la 3ème place. La France, qui a longtemps été le 5ème marché mondial de la musique enregistrée après avoir été surpassée par l’Allemagne en 2004, est à présent 6ème. Le Global Music Report de IFPI confirme que pour la troisième année consécutive, la France est effectivement derrière la Chine. La Corée du Sud est 7ème, le Canada en 8ème position, le Brésil classé 9ème. Le Mexique a fait son entrée dans le top 10, déclassant l’Australie qui figurait dans les dix premiers marchés au moins depuis 1996. Ces cinq dernières années, trois pays ont quitté le top 10: l’Italie, les Pays Bas et l’Australie.

Progression des marchés du Global South au détriment de pays de l’Occident

Le classement des dix premiers marchés de la musique enregistrée est un indicateur particulièrement intéressant sur le plan économique. Et pas seulement pour le suivi du développement et de la prospérité des divers marchés. Mais surtout, parce que ces dernières années, son évolution converge en certains points avec la nouvelle configuration d’un monde qui s’avère toujours plus décentralisé et moins centré sur l’Occident. Depuis 2017, trois pays du Global South (Sud global) ont progressé dans le top 10 des marchés de la musique enregistrée : la Chine et le Brésil, par ailleurs membres fondateurs des BRICS, ainsi que le Mexique. Et leur progression s’est faite au détriment de pays de l’Occident: la France, les Pays-Bas, l’Italie ou encore le Canada.

La dynamique du streaming au Mexique, au Brésil et en Chine alimente la croissance de leurs marchés de la musique enregistrée respectifs. Et dans le même temps, sur plusieurs marchés majeurs comme en France, la croissance du streaming premium ne se fait pas au rythme escompté depuis plusieurs années, au point d’avoir même ralenti en 2024. Conséquence directe, la France n’est depuis 2022 plus le 5ème marché mondial.

Cette tendance indéniable qu’est la progression des marchés du Global South au détriment de certains pays de l’Occident n’est jamais commentée par les leaders de l’industrie de la musique sous le prisme économique. S’y ajoutent d’autres phénomènes qui confirment que les marchés historiquement majeurs de la musique ne sont plus les seuls à compter au niveau international, et font face à une concurrence accrue de la part des marchés outsiders, de leurs artistes, de leurs labels. Le plus flagrant est le succès planétaire de la K-pop, dont les superstars se sont imposées en quelques années auprès des fans et consommateurs sur les marchés américains et européens, et donc dans les charts. En 2023, la K-pop était le genre de musique affichant la plus importante progression sur le marché américain au premier semestre. D’après les données de Luminate, les 100 artistes de K-pop les plus streamés ont enregistré 9.2 milliards d’écoutes aux US entre janvier et septembre 2023, leur deuxième marché après le Japon (9.7 milliards de streams). En 2024, les groupes Seventeen et Stray Kids se sont classés respectivement 3ème et 5ème au « Global Artist Chart » de IFPI, classement des artistes réalisant les performances les plus importantes en termes de ventes et streams au niveau mondial, devant The Weeknd, Eminem, ou encore Sabrina Carpenter.

En parallèle, la baisse de popularité des têtes d’affiche de la pop et du hip hop se confirme d’année en année, après avoir longtemps été les seules superstars sur leurs marchés de prédilection comme sur la scène internationale. C’est le cas des artistes américains et des britanniques, mais aussi des français, qui cohabitent désormais dans les charts avec des artistes coréens et latino-américains. L’album de Bad Bunny sorti en janvier 2025 est resté dans le top 3 du Top albums France durant cinq semaines consécutives. En mars 2025, les nouveaux albums de Lisa et Jennie sont entrés en 3ème et 4ème position en première semaine dans le top albums France. Ces dernières années, ont émergé sur la scène mondiale des superstars originaires des pays de l’Amérique Latine bien que la plupart soient produits aux US (Karol G, Bad Bunny, Peso Pluma, Rauw Alejandro) ou encore les nigérians Burna Boy, Wizkid, Davido, Rema, Ayra Starr, Tems. Autant de tendances qui ne sont pas prêtes de s’inverser. A moins d’un changement de paradigme des leaders de l’industrie de la musique. La France comme d’autres pays européens, est pour l’heure dépourvue de véritables stratégies pour optimiser la croissance du marché de la musique enregistrée, en particulier le streaming premium.

Jason Moreau, Executive Editor, MUSICBIZ

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