La Music Week, première étape pour que la France redevienne incontournable pour le music business sur la scène mondiale

8
minutes

Avec la création de la “Music Week, le Président de la République Emmanuel Macron concrétise son ambition de faire rayonner la France sur la scène mondiale à travers sa musique et ses artistes. Annoncé à la surprise générale depuis l’Élysée en juin 2024, la première édition de l’évènement se déroulera du 16 au 21 juin 2025. Les grandes lignes, entre évènements business, concerts et créations, ont été dévoilées par le ministère de la Culture. Le moins que l’on puisse dire que l’évènement a un réel potentiel pour être un franc succès, à deux conditions. La première, que les thématiques du sommet international et des rencontres professionnelles convergent parfaitement avec les actualités et enjeux du music business au niveau international, et avec les spécificités de l’industrie de la musique made in France. La seconde porte sur la présence d’un minimum des dirigeants des majors, labels, plateformes, producteurs live des US, du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou encore de l’Asie, et bien sûr des décideurs politiques des marchés leaders et émergents.

Aya Nakamura lors de sa performance aux Jeux Olympiques 2024

La Music Week pourrait bien contribuer à permettre à la France de redevenir incontournable sur la scène mondiale de la musique. Bien évidemment, les États-Unis le sont depuis très longtemps avec les GRAMMYs, le Halftime show du Super Bowl, ou encore l’évènement B2B South by South West à Austin (Texas), de même que le Royaume-Uni avec les BRIT awards et le festival Glastonbury (+210 000 spectateurs) entre autres. L’Arabie Saoudite est en train de le devenir avec des concerts de superstars organisés régulièrement, tels que Guns n’ Roses annoncé en mai prochain à Riyadh, le festival Soundstorm, et l’évènement B2B « XP Music futures », tous organisés par MDLBEAST.

Une avancée majeure pour combler un retard et corriger une anomalie

Les quelques grands festivals français programmant des artistes de renommée mondiale, en particulier Hellfest (fondé par Ben Barbaud), Rock en Seine (détenu par Combat Media de Mathieu Pigasse) et Lollapalooza (organisé par Live Nation France), participent à développer l’attractivité de la France auprès des spectateurs et acteurs étrangers. De même que les concerts à Paris de certaines superstars, notamment Taylor Swift qui a assuré quatre performances mémorables à Paris La Défense Arena (40 000 places) en 2024, Beyoncé de retour au Stade de France (80 000 places) en juin 2025 avec deux dates, de même que les artistes K-pop Stray Kids et Blackpink cet été. Mais sur le plan music business, la réalité est la France ne fait plus partie des pays qui comptent et sont incontournables sur la scène mondiale. En particulier, depuis le déclin du Midem dans les années 2010, où se rendaient les dirigeants des majors basées aux US (Doug Morris a été l’un des derniers au en 2015), un évènement particulièrement emblématique et attractif que Live Nation s’attèle à relancer. S’y ajoute l’absence systématique aux NRJ Music Awards de la quasi-totalité des artistes américains et britanniques nommés et primés, depuis un certain nombre d’années. Pourtant, Paris attire actuellement de nombreux artistes de renommée internationale. Diverses superstars de la pop, du hip hop, de la K-pop, de l’afro, viennent régulièrement dans la capitale, non pas pour la musique mais pour la Fashion Week, et de temps à autre pour le sport. Le potentiel de la France à attirer des personnalités éminentes du music business ainsi que des artistes est donc réel, à condition que des évènements prestigieux y soient organisés, ce dont Paris manque jusqu’à présent. La Music Week est indéniablement une avancée majeure en ce sens pour rattraper le retard de la France et corriger cette anomalie. La France étant tout de même le 6ème marché mondial de la musique enregistrée, bien qu’ayant perdu sa 5ème place au profit de la Chine depuis trois ans.

Replacer la France sur la carte mondiale

La Music Week a pour ambition première, selon le gouvernement, de “replacer la France sur la carte mondiale de la musique”. Et comme objectif principal d’être “un carrefour de rencontres pour la filière musicale internationale”. Pour le coup, la vision d’Emmanuel Macron est honorable et respectable, le Président ayant effectivement vu juste sur la nécessité et le besoin de la France sur ce terrain, et ce sans même avoir honoré de sa présence un seul des évènements B2B et festivals depuis son arrivée au pouvoir en 2017. L’évènement sera donc composé de trois axes: un sommet pour la dimension prestigieuse et internationale du music business, des rencontres B2B pour les professionnels, et bien sûr un volet musique avec des concerts d’artistes français et francophones organisés toute la semaine avec une clôture lors de la Fête de la musique, ainsi que des créations. Le programme des thématiques, conférences, keynotes est en cours d’élaboration, de même que les sollicitations et invitations des personnalités et dirigeants qui comptent sur le plan international. La première thématique annoncée est l’innovation, avec une “journée dédiée à l’innovation et la technologie” le 17 juin. Les thèmes de l’export et de la circulation des artistes seront aussi assurément abordés, les objectifs des deux journées de rencontres à la Maison de la radio et de la musique étant notamment d’“engager de nouveaux partenariats et favoriser de futures collaborations internationales”.

Quid de l’efficience du programme et des intervenants

À l’évidence, la question de l’efficience du programme se pose, étant donné la multitude d’enjeux du secteur à divers niveaux, entre droit d’auteur, rémunération des producteurs, éditeurs et artistes sur les plateformes, exposition de la musique dans les médias, ou encore croissance du nombre d’abonnés aux offres streaming premium. Le Sommet est annoncé comme portant sur “les grands enjeux du secteur, réunissant les acteurs clés de la filière musicale internationale”. Mais la Music Week sera-t-elle l’occasion de discussions franches sur l’arrêt RAAP concernant la rémunération des artistes anglo-saxons qui chamboule le modèle économique des sociétés de gestion de droits des producteurs, créateurs et artistes ? De même, l’évènement sera-t-il source d’avancées majeures pour une meilleure rémunération des artistes et producteurs par les plateformes de streaming et les réseaux sociaux notamment TikTok ?

Emmanuel Macron assez influent pour attirer de personnalités éminentes ?

Étant donné la dimension prestigieuse conférée par l’organisation d’un Sommet au Château de Versailles, la venue de personnalités éminentes du music business est prévisible. D’autant que le Président de la République rencontre régulièrement des artistes de renommée internationale (Beyoncé, Jay Z, Rihanna, Pharrell, Gims, Fally Ipupa…), ainsi que des dirigeants des plateformes (Elon Musk de X, Mark Zuckerberg de Meta, Pavel Durov de Telegram…). Reste à savoir si Emmanuel Macron et les organisateurs seront suffisamment persuasifs pour convaincre des dirigeants d’Universal Music Group, Warner Music Group, Sony Music Entertainment, et d’autres labels majeurs aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne, d’être présents et de prendre la parole à la Music Week, de même que ceux de Spotify, YouTube, TikTok, Instagram, Live Nation, AEG, Stub Hub ou encore Viagogo, entre autres acteurs incontournables du music business. L’on devrait néanmoins d’ores-et-déjà pouvoir compter sur la venue du CEO de Believe, Denis Ladegaillerie, et du nouveau Deezer, Alexis Lanternier, deux entreprises made in France avec des positionnements non des moindres au niveau mondial, comme leurs CEO respectifs. Et a priori sur la présence des dirigeants respectifs de Live Nation France (500 millions de chiffre d’affaires annuel), Angelo Gopee, et d’Universal Music France, Olivier Nusse, les deux leaders sur les marchés de la musique enregistrée et du live en France. La Music Week se doit néanmoins d’être à mi-chemin entre évènement prestigieux et évènement business. Avec l’habileté de ne pas être trop élitiste, comme l’a été le Sommet dédié à l’intelligence artificielle en février 2025 où la culture et la musique ont été marginalisés, et sans être non plus être un évènement franco-français à l’instar des principaux salons dédiés aux professionnels (MaMA, Printemps de Bourges, BIS de Nantes, Transmusicales de Rennes) qui n’attirent pas de personnalités éminentes du music business et de dirigeants politiques sur la scène internationale.

Jason Moreau, Executive Editor de MUSICBIZ

Les grandes lignes du programmes axé sur le music business de la Music Week, annoncées par le ministère de la Culture :
– 16 juin: Inauguration de la France Music Week
– 17 juin: Journée dédiée à l’innovation et la technologie
– 18-19 juin: Rencontres B2B à la Maison de la radio et de la musique
– 20 juin: Sommet international au Château de Versailles

Partager cet article