C’était attendu, c’est désormais confirmé. La Commission Européenne mène une enquête approfondie concernant l’acquisition de Downtown Music par Virgin, filiale d’Universal Music. Quelles seraient les conséquences inéluctables de la fusion entre Downtown et Virgin, en matière de concurrence sur le marché de la musique enregistrée en Europe ? C’est la question centrale à laquelle répondra la Commission Européenne, mi-décembre.

Le deal le plus important de l’année 2025 dans le music business en Europe pourrait ne pas être finalisé. À une condition sine-qua-none: que les effets néfastes de la fusion entre Downtown Music et Virgin Music pour les labels indépendants, les artistes indépendants, et pour les consommateurs de musique en Europe soient avérés.
L’annonce du rachat de Downtown par Universal Music, maison-mère de Virgin Music, filiale dédiée aux services aux artistes et labels, avait alerté plusieurs autorités de régulation et suscité une vive opposition des labels indépendants. La Commission Européenne avait initialement été saisie par les autorités de régulation des Pays-Bas (Authority for Consumers and Markets) et en Autriche. Les deux entités avaient été dû être notifiées du deal en raison du montant de la transaction (737 millions d’euros), supérieur à leurs seuils respectifs, bien qu’en-dessous du seuil au niveau européen.
En parallèle, les labels indépendants ont manoeuvré de leurs côtés en sollicitant une enquête de la Commission Européenne en raison des conséquences redoutées sur leurs activités. Comme relayé par MUSICBIZ, les dirigeants et représentants des labels indépendants redoutent que la fusion n’aboutisse à une concentration sans précédent dans l’industrie de la musique, à un affaiblissement de la production indépendante, et à rendre Universal Music incontournable pour un certain nombre de services. Plusieurs actions de lobbying ont donc été entreprises depuis le début de l’année 2025, en particulier à Bruxelles.
Les conséquences potentielles du rachat par Universal Music de Downtown, groupe proposant divers services aux artistes et labels dont la distribution et la gestion des droits, ont depuis été soulevées par la Commission Européenne. Lors de la confirmation de l’ouverture d’une enquête approfondie, l’institution chargée de réguler le marché européen a précisé ses inquiétudes quant à l’impact du deal sur le marché de la musique enregistrée.
Examen des impacts négatifs sur les labels, les artistes, et les consommateurs
De prime abord, la Commission Européenne redoute que l’absorption de Downtown par Virgin ne permette à Universal Music de réduire et d’affaiblir la concurrence dans l’Espace économique européen. Notamment sur les segments de la distribution de la musique et de la gestion de droits, et plus largement dans le domaine des services aux artistes. “L’enquête préliminaire de la Commission relève que la transaction pourrait permettre à UMG d’acquérir des données sensibles sur ses concurrents, les labels. Après l’acquisition, UMG aurait la possibilité d’exploiter des données commerciales sensibles en faveur de ses propres activités. L’accès d’UMG à ces données pourrait nuire à ses concurrents que sont les labels“ précise l’institution.
Universal Music pourrait ainsi être en position de nuire au développement et au succès des labels et artistes indépendants, et de renforcer son leadership sur le marché de la musique enregistrée à des niveaux encore plus exponentiels. Du point de vue du Commissaire chargé de l’économie, Vladis Dombrovskis, “en acquérant Downtown, UMG rachèterait un grand nombre de fournisseurs de services aux labels qui lui font concurrence. L’ouverture d’une enquête approfondie nous permettra d’examiner de manière plus précautionneuse les éventuels impacts négatifs pour les artistes et les labels, et in fine pour les consommateurs européens“.
L’enquête approfondie de la Commission a évidemment été saluée par les représentants des labels indépendants au niveau européen et international. Pour IMPALA, fédération de 6 000 labels en Europe, “le deal UMG/Downtown entraîne de sérieuses menaces qui sont incompatibles avec le fonctionnement du marché. Cette acquisition renforcerait davantage la position d’UMG au sein des marchés de la musique en Europe, en réduisant les opportunités pour les labels indépendants et les artistes avec lesquels ils travaillent, et en permettant à UMG d’exercer plus de contrôle sur les plateformes de streaming“.
La Commission Européenne a cependant rappelé que la conduite d’investigations avait pour objectif de vérifier la véracité des risques et effets redoutés, et ne présageait pas de la réprobation du deal. En clair, le rachat de Downtown par Universal Music pourrait tout de même être validé par Bruxelles. La décision de la Commission sera connue mi-décembre et non plus fin-novembre, suite à l’octroi d’un délai supplémentaire sollicité par Universal Music.
Jason Moreau, Executive Editor, MUSICBIZ