La contre-offensive des labels indépendants se poursuit avec pour objectif que le rachat de Downtown Music par Universal Music ne soit pas finalisé. Quelques semaines après la confirmation par la Commission Européenne d’une enquête pour examiner les conséquences du deal en matière de concurrence, les dirigeants et représentants des labels indépendants lui demandent à présent d’aller plus loin en actant l’ouverture d’une enquête approfondie. Ce qu’elle devrait annoncer d’ici peu.

La position des labels indépendants consiste à affirmer que la fusion entre Downtown Music, groupe avec des activités de distribution et d’édition entre autres, avec Virgin Music, filiale d’Universal Music dédiée aux services aux labels et artistes, aboutirait à une concentration sans précédent dans l’industrie de la musique, sur un certain nombre de marchés, et au niveau international. C’est donc parce qu’elle déstabiliserait le music business que les dirigeants et représentants des labels indépendants sont vivement opposés à cette acquisition.
La nouvelle étape de leur lobbying consiste à solliciter la Commission Européenne pour qu’elle aille plus loin avec une enquête approfondie, une étape incontournable pour que l’opération ne soit finalement pas autorisée. Deux lettres rendues publiques ont été adressées fin juin et début juillet à la Commission Européenne et en particulier la Commissaire en charge de la concurrence, Teresa Ribera, pour l’interpeler et la sensibiliser.
Leadership consolidé
Les menaces, risques et conséquences du rapprochement entre Downtown Music et Virgin Music pour le marché de la musique enregistrée se situent à trois niveaux d’après les labels indépendants. De prime abord, le leadership d’Universal Music serait consolidé et la première major du marché deviendrait quasiment incontournable pour un certain nombre d’artistes et de labels.
“Cette acquisition renforcerait son rôle d’intermédiaire sur le marché avec l’intégration de plusieurs segments d’activités pour contrôler l’ensemble de l’infrastructure dont dépendent ses concurrents“ prévient Noemí Planas, CEO de Worldwide Independent Network (WIN), fédération internationale des labels indépendants, dans sa lettre à la Commissaire européenne en charge de de la concurrence.
Pratiques anti-concurrentielles et conflit d’intérêts
Secundo, l’absorption de Downtown Music donnerait à Universal Music le pouvoir et la possibilité de mettre en place diverses pratiques qualifiées d’anti-concurrentielles. Notamment en imposant des conditions inéquitables aux labels et artistes distribués, à l’instar d’une exclusivité sur d’autres services comme la distribution physique ou la gestion de droits. D’autant qu’UMG accèderait aux données relatives à l’exploitation et aux stratégies des projets produits par les labels distribués par CD Baby et Fuga, ou encore des artistes en contrat d’édition avec Songtrust, Sheer Music et Downtown publishing, trois autres filiales de Downtown Music.
En parallèle, toujours selon les dirigeants et représentants des labels indépendants, le rachat de Downtown Music par Universal Music soulève des questions de conflit d’intérêts. Et ce, parce que les labels et artistes en deals avec les filiales de Downtown Music deviendraient des clients tout en étant des concurrents sur le marché de la musique enregistrée.
Une opération de contrôle du marché d’après 200 dirigeants et représentants de labels indépendants
Dans une lettre adressée à la Commission Européenne début juillet, 200 dirigeants des labels indépendants en Europe, aux US et en Amérique latine entre autres ont fait part de leurs inquiétudes. Parmi les signataires figurent les dirigeants de Beggars Group (ancien label d’Adele), Wagram (ex-label d’Orelsan), Cooking vinyl (label britannique), ou encore AT(h)ome (label de rock français). Ils y déclarent notamment qu’UMG “contrôle plus de 40% du marché de la musique enregistrée en Europe. Le deal en question mettrait une part significative de l’écosystème sous le contrôle du leader du marché“.
Ils ont aussi souligné l’importance du secteur de la musique enregistrée pour l’économie de l’Europe, en termes d’emplois et de contribution à l’économie. Mais surtout les dirigeants et représentants des labels indépendants ont mis en garde quant aux conditions essentielles pour la prospérité du secteur et des entreprises. “Un marché équitable est indispensable pour soutenir un écosystème de la musique dynamique et bénéfique pour l’économie, la culture et l’innovation. Les labels indépendants jouent un rôle vital pour la promotion de l’innovation dans la musique, la défense de la diversité et la protection de la Culture. Il ne s’agit pas d’un simple investissement mais de contrôle“.
Pour l’ensemble des raisons soulevées, les labels indépendants demandent à la Commission Européenne de procéder à l’ouverture d’une enquête approfondie, en cohérence avec sa position communiquée en avril indiquant que la fusion entre Downtown Music et Virgin Music “menace d’impacter considérablement la concurrence dans des marchés où les deux entreprises ont des activités, aux Pays-Bas et en Autriche, de même que dans d’autres pays”. En ligne de mire des labels indépendants, que la Commission Européenne n’autorise pas l’acquisition de Downtown Music par Universal Music, considérant qu’il s’agit d’une opération contraire à la concurrence équitable sur le marché de la musique enregistrée.
La Commission Européenne devrait effectivement aller en ce sens. Plusieurs sources ont indiqué à l’agence de presse britannique Reuters qu’une enquête approfondie sera prochainement confirmée pour examiner l’étendue des conséquences de la fusion. Universal Music avait fait part de son objectif de finaliser l’opération au second semestre 2025. Le deal est a priori retardé.
Jason Moreau, Executive Editor, MUSICBIZ