JO : Live Nation France redoute un manque à gagner de 180 M € faute de pouvoir produire des concerts

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Les Jeux Olympiques, source d’opportunités pour le music business, ne sont pas sans risques et répercussions pour le secteur du live, en pleine relance après deux années sans concerts. Certaines entreprises sont particulièrement pénalisées par “l’impossibilité” d’organiser des concerts durant la période des JO, bien que les annulations de festivals aient globalement pu être évitées. A commencer par Live Nation France, leader de la production de concerts, et premier employeur du secteur. L’annulation du festival Lollapalooza Paris (170 000 spectateurs en 2023) symbolise à elle seule un manque à gagner conséquent. L’impact des JO s’avère plus important qu’annoncé et couvre une période plus large.

180 millions d’euros, soit 45% du chiffre d’affaires de l’année 2023. C’est le manque à gagner estimé par Live Nation France faute de pouvoir organiser des concerts durant l’été 2024, pour cause des Jeux Olympiques.

Pour les producteurs de concerts et les organisateurs de festivals, l’épreuve du marathon olympique a démarré depuis l’automne 2022. Le Gouvernement avait évoqué le report ou l’annulation des évènements nécessitant l’intervention des forces de l’ordre, dont les festivals et concerts.
Des ajustements ont certes été faits avec des changements de dates pour la quasi-totalité des festivals concernés.

Certains ne sont cependant pas parvenus à trouver les solutions et équilibres nécessaires, à l’instar de Lollapalooza Paris dont l’annulation a finalement été annoncée à trois mois de l’évènement. “Au vu des contraintes logistiques, administratives et sécuritaires qui sont de plus en plus fortes, il nous est malheureusement impossible d’organiser le festival comme nous l’avions pensé, pour nos fans, nos artistes et nos partenaires” précisait le communiqué de Live Nation France.

Lollapalooza : surcoût de 30% soit plusieurs centaines de milliers d’euros

Les surcoûts liés à la sécurité, la sûreté ainsi que la technique sont les principales raisons de l’annulation du festival qui avait accueilli 170 000 spectateurs en 2023. Organiser le festival dans le contexte de JO, aurait engendré un surcoût de 30% selon les organisateurs.

“Tout est plus cher: le son, la lumière, les scènes… Et aussi c’était compliqué de mettre à disposition des forces de sécurité privée. On se serait retrouvé avec un festival qui aurait coûté beaucoup plus que d’habitude, un surcoût qui se chiffre en centaines de milliers d’euros…” explique Angelo Gopee, Directeur Général de Live Nation France, à MUSICBIZ.

Le report ne semblait pas réalisable pour diverses raisons de disponibilité des artistes, d’organisation, d’agencement. Et pour Live Nation, il n’était pas envisageable de proposer une expérience dégradée aux spectateurs et festivaliers, et des services moins bons qu’à l’accoutumé.

“Le faire ailleurs, ce n’est pas intéressant. On ne pouvait pas avancer le festival notamment parce qu’il y a le démontage de Solidays. On est passé sur un format trois jours avec 170 000 festivaliers, il n’y avait pas de queue, les spectateurs étaient contents. On est arrivé à un niveau tel qu’on ne peut pas décevoir les gens. On s’est donc résigné à ne pas le faire cette année, pour ne pas déconstruire ce qu’on a construit depuis sept ans. Je pense qu’il ne faut pas faire pour faire…” précise Angelo Gopee.

3 000 personnes travaillant sur le festival Lollapalooza Paris

La seule annulation de Lollapalooza Paris a déjà d’énormes conséquences sur le plan financier. Le budget du festival est autour de 15 millions d’euros, financé à 75% par la billetterie et les recettes propres, et à 25% par le sponsoring. Soit autant de recettes en moins.

Live Nation n’est pour autant pas la seule entreprise s’apprêtant à faire face à un manque à gagner. Pour certains prestataires, l’annulation du festival implique de l’activité en moins, que tous ne sont pas sûrs de pouvoir compenser.
En termes d’emplois, plusieurs centaines d’emplois saisonniers ne seront pas pourvus.

“En comptant les 700 à 800 jeunes que nous employons directement pour l’accueil des festivaliers, quelques 600 agents de sécurité par jour, les prestataires pour la technique, la restauration, le nettoyage, les stands, environ 3 000 personnes travaillent chaque jour sur le festival” souligne le Directeur Général de Live Nation France.

Un impact sur plusieurs mois pour les concerts produits

L’impact des Jeux Olympiques est particulièrement important pour l’entreprise, leader dans le secteur de la musique live. Un certain nombre de concerts ne peuvent être produits durant une partie de l’été, en raison de la mobilisation des forces de l’ordre et des contraintes liées à la logistique entre autres.

“On ne peut pas faire grand chose cette année, c’est compliqué en termes de moyens de sécurité, de sûreté. On doit organiser des concerts plus tard cette saison” concède Angelo Gopee.
Or la saison estivale n’est pas sans importance pour les concerts, en particulier des têtes d’affiche américaines.

Live Nation France prévoit un manque à gagner de 180 millions d’euros en raison des concerts ne pouvant être produits durant l’été, pour cause des JO. Un montant qui n’inclut pas les éventuelles conséquences indirectes de l’évènement sur les concerts durant les mois suivant, telles que la baisse des ventes de billets, la baisse du pouvoir d’achat, les changements d’habitudes.

“Entre dix stades, une édition Lollapalooza, plusieurs concerts à La Défense Arena à 45 000 personnes, on arrive vite à 180 millions d’euros, et que sur l’été, c’est-à-dire les mois où nous ne pouvons pas produire de concerts” affirme le Directeur Général de Live Nation France.

Une indemnisation pour les pertes engendrées par les JO

Les pertes engendrées ne sont pas sans risques pour la prospérité de l’entreprise, qui a réalisé 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. Un montant s’expliquant par la forte croissance des ventes de billets de concert, après deux années quasiment sans activité pour les entreprises du secteur. “On a eu une grosse année 2022, mais qui était un rééquilibrage avec 2020 et 2021” nuance Angelo Gopee.

Pour l’heure, et depuis plusieurs mois, les producteurs de live et organisateurs de festivals demandent, notamment via leurs syndicats, et sans succès, une indemnisation pour les pertes occasionnées. Il n’est toutefois pas question de solliciter une compensation.

Nous avons gardé tout le personnel alors qu’on est amputé de quasiment la moitié du chiffre d’affaires. Je comprends que nous devions faire des sacrifices, laisses les stades et les salles, mais comment on paye les équipes, la location, les investissements que nous avons faits ? Ce n’est pas nous qui ne voulons pas travailler, nous ne pouvons pas travailler” s’insurge le DG de l’entreprise employant 120 personnes.

Live Nation n’exclut pas une éventuelle suppression de postes pour pallier à cette baisse d’activité durant l’année 2024, en particulier dans l’optique où aucun mécanisme d’indemnisation ne serait accordé par le gouvernement. D’autant que le dispositif de l’activité partielle s’avère encadré et que la situation de l’entreprise est exceptionnelle.

“Nous n’avons pas attendu quelque chose pour garder tout le monde, mais ça a un coût, avec des recettes que nous n’aurons pas en face. Qu’est ce que l’on peut faire ? Nous demandons à être entendus, à entamer une discussion” insiste Angelo Gopee.
Mais du côté du gouvernement, silence radio.

La ministre de la Culture n’a pas fait d’annonce en ce sens lors de son intervention devant les représentants de la filière musicale au Printemps de Bourges fin avril. L’indemnisation pour les pertes de billetterie occasionnées par les JO avait pourtant été formulée début février soit deux mois avant, devant la ministre, lors de la première rencontre avec les représentants des organisations professionnelles réunies derrière la bannière de Tous Pour La Musique.


Jason Moreau

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