La taxe streaming plébiscitée au Sénat pour financer le Centre national de la musique

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Nouveau rebondissement dans la saga du financement du Centre national de la musique, qui n’est assurément pas le dernier. Écartée par le gouvernement, la “taxe streaming” surgit dans le débat relatif au projet de loi de finances 2024, à l’initiative de deux sénateurs, le Président de la Commission Culture Laurent Lafon, et le rapporteur général du budget Jean-François Husson. Une prise de position à contre-courant de l’orientation du gouvernement.


La création de la taxe streaming pour garantir et sécuriser le financement du Centre national de la musique pourrait être actée par le Sénat. C’est l’objectif des deux amendements identiques déposés par les sénateurs Laurent Lafon et Jean-François Husson.

Le texte souligne que “l’objet du présent amendement est d’instaurer une taxe sur l’écoute en ligne et de mettre ainsi à contribution, selon des modalités équilibrées, les plateformes d’écoute de musique”.

L’intention revendiquée consiste à “assurer la cohérence temporelle de l’action publique”. L’initiative est justifiée par le fait que “les engagements sont très loin de correspondre aux besoins même minorés du CNM”. Le Sénat met en évidence un “engagement” pour l’établissement, et par extension en faveur du secteur de la musique.

La croissance du marché de la musique enregistrée est également mise en exergue par le Président de la Commission Culture Laurent Lafon, et le rapporteur général du budget Jean-François Husson: “En 2023, le secteur devrait connaitre sa 7ème année consécutive de hausse. Il s’agit donc d’un secteur en croissance, et rien ne permet de penser que le faible niveau de taxation envisagé entraverait la dynamique du secteur. Bien au contraire, en confortant la création française via le soutien aux artistes, il agit comme un mécanisme vertueux, sur le modèle éprouvé depuis plus de 70 ans avec le Centre National du Cinéma”.

L’instauration de la taxe streaming avait été préconisée dans un rapport remis à la Première Ministre et la ministre de la Culture au printemps par l’ex sénateur Julien Bargeton.
Ce dernier, battu aux élections sénatoriales 2023, se réjouit de la prise de position de ses deux homologues: “Un pas important est fait”.

La taxe streaming avait été qualifiée de « contribution” par le Président de la République le 21 juin depuis l’Élysée, qui s’était prononcé pour, avant que le gouvernement n’opte finalement pour une contribution volontaire.
Une option qui, en plus de ne pas donner les résultats escomptés pour l’heure, ne fait ni consensus parmi les principaux acteurs de l’industrie de la musique ni parmi les parlementaires.

Spotify, Deezer, YouTube, premiers concernés par la taxe

D’après l’amendement adressé à MUSICBIZ, les principales plateformes audio et vidéo, payantes et financées par le publicité, seraient les premières assujetties à la taxe : Spotify, Deezer, Youtube, entre autres.
“Il est institué une taxe sur la mise à disposition du public de services permettant l’accès à des enregistrements phonograhiques musicaux et des vidéomusiques” précise le texte.
Cependant, le champ de la taxe streaming exclurait d’office plusieurs plateformes, en raison de leur modèle économique, ou de leur chiffre d’affaires et leur nombre d’abonnés. Notamment, Qobuz.

1,25% à 1,75% du chiffre d’affaires

Plusieurs taux sont définis. 1,25% pour un chiffre d’affaires en France entre 20 et 400 millions d’euros. 1,75% pour des recettes supérieures à 400 M€.
Néanmoins, la taxe serait progressive au moins sur les deux premières années par dérogation.
Le taux serait de 0,5% sur 2024 et d’1% sur 2025, pour les plateformes assujetties à une taxe d’1,25%. Et de 1% sur 2024 et 1,5% sur 2025 pour celles concernées par une taxe d’1,75%.
Une mesure relevant d’une part de protectionnisme en faveur des plateformes françaises dont Deezer, et pensée globalement pour pas pénaliser les plateformes intermédiaires encore en développement.

La lente croissance de l’activité des plateformes, leur défaut de rentabilité, ainsi que l’instabilité de l’économie en raison des crises successives sont parmi les principaux arguments brandis par les principaux opposants à la taxe.
Les premiers concernés que sont Deezer et Spotify, fédérés au sein de l’ESML avec d’autres plateformes, de même que les labels représentés par le Snep, réunissant Universal Music, Warner Music, Sony Music et d’autres labels indépendants.

Équité entre musique enregistrée et musique live

Le principal syndicat des labels indépendants (UPFI) et principal syndicat des producteurs de live (Prodiss) sont les acteurs de l’industrie de premier plan sollicitant la création de la taxe streaming. 
Le dispositif mettrait davantage à contribution les acteurs de la musique enregistrée, et s’ajouterait à la participation des organismes gérant les droits voisins des producteurs (SCPP et SPPF) au financement du Centre national de la musique.

Si elle était instaurée, la taxe streaming serait affectée au Centre national de la musique, à l’instar de la taxe sur la billetterie (3,5%).

Une taxe non privilégiée mais non exclue par le gouvernement

Le PLF adopté en première lecture par les députés suite à l’activation du 49.3 par la Ministre exclut la taxe streaming.
Le gouvernement privilégie un accord avec les plateformes pour une contribution volontaire, sans exclure de recourir à la taxe, à défaut d’engagements conséquents garantissant le financement du CNM.

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