Le soutien renouvelé du Gouvernement en faveur du secteur de la musique afin de favoriser son développement ne constitue pas un blanc-seing. La réduction du budget de financement du Centre national de la musique en 2025, décidée par le Gouvernement et validée par les députés lors de l’examen de Projet de Loi de Finances, acte une première contribution du secteur au redressement des finances publiques, bien que minime et sans impact. Néanmoins, les entreprises du secteur de la musique pourraient bien être directement mises à contribution dès 2025.
Le secteur de la musique doit-il, à l’instar d’un certain nombre d’autres secteurs de l’économie, contribuer au redressement des finances publiques de la France ? C’est la question centrale à laquelle les députés et le Gouvernement devront répondre, dans le cadre de l’examen du Projet de Loi de Finances 2025. L’enjeu majeur pour la filière et les entreprises est à ce niveau. Ce serait un tournant sans précédent dans la régulation du music business en France, un an après la mise en place de la taxe streaming.
La contribution directe des entreprises du secteur de la musique à l’équilibre des comptes publics pourrait devenir effective à deux niveaux: le maintien du plafond de la taxe billetterie, et l’abaissement du plafond de la taxe streaming. La première est la première source de financement du Centre national de la musique (32 millions d’euros en 2024), la seconde, mise en place en janvier 2024, constitue la seule nouvelle recette pour l’établissement.
Déplafonnement ou abaissement du plafond de la taxe billetterie
Dans un premier temps, les députés auront à se prononcer sur le déplafonnement de la taxe billetterie, actuellement fixé à 50 millions d’euros. Dès lors que le plafond sera franchi, le surplus ne sera plus affecté au Centre national de la musique, et viendra abonder le budget général de l’État. Quatre amendements en ce sens ont été déposés: par les députés du groupe La France Insoumise, par le groupe Socialistes, par le groupe Ensemble pour la République, et par le groupe Écologistes et Social.
« Cette taxe constitue la principale source de financement du CNM, et ses recettes sont amenées à croître dans les prochaines années. Afin d’assurer que la taxe qui a été affectée à ce secteur puisse continuer de permettre son développement, il est ici proposé de supprimer le plafond de la taxe qui ne parait pas être suffisamment haut au regard de l’évolution estimée des recettes générées » souligne le député Steevy Gustave (ES) dans le texte de l’amendement.
« Ce plafond rehaussé à de multiples reprises par le passé n’est plus en cohérence avec les fondamentaux économiques du secteur dont le développement s’accroît nettement. La différence entre le rendement de la taxe et le plafond de celle-ci représente autant de moyens en moins pour le financement de la filière musicale » explique la députée Sarah Legrain (LFI) dans son amendement.
Rachida Dati favorable au relèvement des plafonds des deux taxes
Lors de son audition en Commission des affaires culturelles le 22 octobre, la ministre de la Culture n’a pas confirmé la position du Gouvernement quant au relèvement du plafond de la taxe billetterie, et donc sur la nécessité d’une contribution du secteur aux comptes publics. Cependant, lors de son discours devant les professionnels de la musique au MaMA, Rachida Dati a fait savoir qu’elle y était clairement favorable. « Je tiens à vous redire mon engagement à vos côtés pour obtenir le rehaussement significatif des plafonds des deux taxes affectées pour vous permettre de mener à bien vos missions, et que cette solidarité du secteur lui revienne et continue de pleinement porter ses fruits » a déclaré la ministre. Outre la position de la ministre de la Culture, celle du ministre des comptes publics sera décisive quant à l’orientation du Gouvernement.
A défaut d’obtenir la suppression du plafond de la taxe billetterie, le relèvement du plafond de 50 à 70 millions d’euros sera proposé. Deux amendements ont été déposés, par les groupes LFI et EPR. « Dans toutes les lois de finances précédentes, le plafond fixé était supérieur au rendement de la taxe permettant ainsi l’affectation de l’intégralité de celle-ci au CNM. Le relèvement du plafond permettrait d’anticiper cette croissance en rétablissant le niveau d’affectation habituel » considère le député Benjamin Dirx (Ensemble pour la République) dans le texte de son amendement.
Le rendement de la taxe billetterie est estimé à 53 millions d’euros en 2025, 55 millions en 2026, 58 millions en 2028. Ainsi, dans l’optique où l’ensemble des amendements relatifs au relèvement du plafond et au déplafonnement de la taxe billetterie seraient rejetés, les entreprises du secteur de la musique live contribueront effectivement à l’équilibre des finances publiques à compter de 2025, à hauteur d’au moins 3 millions d’euros, à 5 millions en 2026, et à 8 millions en 2028.
Abaissement du plafond de la taxe streaming
Le secteur de la musique enregistrée également, pourrait être amené à contribuer au redressement des finances publiques en 2025. Les députés auront à se prononcer sur l’abaissement du plafond de la taxe streaming, de 18 à 8 millions d’euros en 2025, un amendement étant déposé par le groupe RN. « Dans ce contexte de déficit public, nous souhaitons plutôt que le plafond sur cette taxe affectée soit fixé à 8 millions d’euros, afin que la filière musicale participe au redressement des finances publiques » considère le député Philippe Ballard dans le texte de son amendement.
Le rendement de la taxe streaming pour l’année 2024 étant d’au moins 9 millions d’euros et de 10 millions en 2025, les plateformes de streaming contribueraient à hauteur de 2 millions d’euros à la compensation du déficit des comptes publics. A la condition évidente que cet amendement soit voté par les autres groupes parlementaires, ce qui s’avère peu probable. Un amendement proposant l’abaissement du plafond de la taxe billetterie de 50 à 40 millions d’euros, qui fixerait donc la contribution du secteur de la musique live à 13 millions d’euros en 2025, déposé par le député Philippe Ballard, a été rejeté en Commission des affaires culturelles le 23 octobre. Mais rien n’est encore acquis.