Le marché français de la musique enregistrée montre les signes d’une fragilité à présent indéniable, qui était en réalité prévisible. L’accélération de la croissance des revenus espérée depuis plusieurs années par les dirigeants des labels et des plateformes, et devant être provoquée par une forte hausse des souscriptions d’abonnements aux plateformes de streaming, ne se confirmera pas en 2025, au vu des indicateurs relatifs au premier semestre publiés par le Snep. Au contraire, le marché français de la musique enregistrée se heurte à de véritables limites faisant que la nette croissance sur le long terme est particulièrement incertaine et loin d’être acquise. Notamment la stagnation des abonnements payants, l’augmentation relative des ventes de vinyles, et la baisse de la consommation sur certains segments, pour des raisons économiques ou à des changements d’habitudes.

La consommation de la musique en France a généré au premier semestre 2025 un chiffre d’affaires de 431.8 millions d’euros, d’après le bilan communiqué par le Snep le 9 septembre. Globalement, les revenus ont progressé de 3.4% sur un an, soit 14 millions d’euros, de 70 millions d’euros sur trois ans, et de 150 millions sur cinq ans (+55%). “Le marché français de la musique enregistrée continue d’afficher une croissance régulière, à un moment où d’autres industries du divertissement marquent le pas“ considère Alexandre Lasch, directeur général du Syndicat National de l’Édition Phonographique (Snep), fédération des trois majors et d’autres labels indépendants, qui publie les chiffres du marché de la musique en France. En vérité, malgré une huitième année de croissance consécutive au premier semestre, les indicateurs financiers du marché français de la musique enregistrée du premier semestre 2025 sont globalement alarmants.
Croissance divisée par deux en un an, et par trois en deux ans
Comme analysé par MUSICBIZ en 2024, le ralentissement de la croissance du marché français s’est confirmé au moins pour le premier semestre 2025. La progression du chiffre d’affaires est quasiment divisée par deux en un an (5.9% en 2024 soit +23 millions d’euros), et presque divisée par trois en deux ans (9.4% en 2023). Le rythme de croissance du marché français de la musique enregistrée est à son niveau le plus faible des dix dernières années, l’année 2025 étant la moins bonne performance avec 2018 (+3.3%), outre les baisses enregistrées en 2015 et 2017.
Le ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires du marché au cours du premier semestre est de prime abord dû à la faible progression du streaming, divisée par trois en un an. Les revenus en provenance des plateformes d’écoute (341 millions d’euros) ont augmenté de 11 millions d’euros (+3%) entre 2024 et 2025, contre 30 millions d’euros (+10%) entre 2023 et 2024. Le streaming premium (271 M€) a généré 12.6 millions d’euros de plus en un an (+5%), contre une progression de 26 millions l’année dernière (+11%).
Croissance du physique supérieure à celle du digital, du jamais vu
De surcroît, la faible croissance du streaming premium s’est accompagnée de contre-performances sur les deux autres segments du streaming, le “gratuit“ et la vidéo. Les revenus en provenance du streaming financé par la publicité (38.7 M€) ont faiblement progressé au premier semestre 2025 avec une hausse de 766 000 euros (+2%), contre 2 millions d’euros l’année précédente. Dans le même temps, les recettes en provenance des plateformes vidéo (31.7 M€) ont baissé de 7% soit 2.3 millions d’euros, après une hausse de 2.5 M€ (+5%) en 2024.
Conséquence des contre-performances précitées, la croissance des revenus générés par les ventes physiques (+4.4% en 2025 vs +9.3% en 2024) a été supérieure à celle du digital (+3.1% en 2025 vs -6.8% en 2024), du jamais vu depuis plus de dix ans. Le streaming premium génère 63% du chiffre d’affaires global, et gagne 1 point de part de marché, de même que le vinyle (11%) qui compte à présent trois plus points de plus que le CD et deux de plus que le streaming financé par la publicité.
Les ventes de vinyles et CD, qui ont rapporté 86 millions d’euros au premier semestre 2025, sont en progression de 4% soit 3.6 millions d’euros. Le léger recul des recettes issues du CD (37.2 M€, -1%) ont été nettement compensées par la hausse du vinyle (45.6 M€, +9%) de près de 4 millions d’euros.
60 milliards de streams via les abonnements premium
Sur le plan de la consommation, la dynamique de croissance du streaming se maintient. D’après le bilan du Snep, 60 milliards d’écoutes via les abonnements payants ont été comptabilisées au premier semestre 2025, soit 7 milliards de plus en un an, contre une augmentation 4 milliards entre 2023 et 2024. C’est la meilleure progression du nombre d’écoutes depuis 2020, avec l’année 2022. Globalement, le nombre total de streams sur les plateformes audio est de 75 milliards, en hausse de 9 milliards entre 2024 et 2025.
Les artistes et labels made in France continuent de contribuer grandement à la vitalité du marché français de la musique enregistrée, avec 75% des 200 meilleures ventes d’albums au premier semestre. Parmi les vingt albums en tête des ventes, quinze sont produits par des labels français et interprétés par des artistes français ou francophones. Sur les 200 titres les plus streamés en France au premier semestre, 142 sont produits par les labels français (71%). 16 titres au sein du top 20 sont interprétés par des artistes français et francophones.
Jason Moreau, Executive Editor, MUSICBIZ


