La taxe streaming approuvée par le Sénat pour garantir le financement du Centre national de la musique

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La création d’une taxe sur les plateformes de streaming pour le financement du CNM et de ses missions a été approuvée par les sénateurs le 25 novembre, lors de l’examen du Projet de loi de finances 2024. Le dispositif deviendrait effectif, si le Gouvernement prenait acte du vote des sénateurs. Néanmoins, la taxe streaming pourrait être avortée avec l’activation du 49.3, comme en première lecture à l’Assemblée Nationale. Les deux scénarios restent possibles.


La taxe streaming est la solution retenue par le Sénat pour financer le Centre national de la musique. Les sénateurs ont voté pour les sept amendements identiques déposés. Le Gouvernement avait émis un avis de sagesse (ni favorable ni défavorable), et la Commission des finances un avis favorable.

La création de la taxe streaming avait formellement été proposée par deux sénateurs, le Président de la Commission Culture Laurent Lafon, et le rapporteur général du budget Jean-François Husson. Un dispositif initialement préconisé par le rapport de Julien Bargeton (sénateur de 2017 à 2023), remis à la Première Ministre et la ministre de la Culture au printemps dernier.

Comme précisé par MUSICBIZ en amont du vote, les principales plateformes seraient assujetties à la taxe streaming. Deux taux sont définis: 1,25% pour un chiffre d’affaires en France entre 20 et 400 millions d’euros, 1,75% pour des recettes supérieures à 400 M€. La taxe serait toutefois progressive au départ: de 0,5% à 1% en 2024 et d’1% à 1,5% en 2025, en fonction du chiffre d’affaires.

Sécuriser et rétablir une iniquité avec le secteur du live

Dans un contexte d’incertitude, les sénateurs ont décidé d’acter la création de la taxe streaming pour garantir le financement du CNM. Un objectif qui tarde à être rempli à moins d’un mois de l’adoption du budget 2024 du Centre national de la musique.
Jusqu’au vote des sénateurs le 25 novembre, les plateformes et le ministère de la Culture n’étaient pas parvenus à un accord pour une contribution volontaire correspondant aux besoins de l’établissement.

La taxe streaming a ardemment été défendue par les sénateurs pour justifier son efficience. Avec trois raisons majeures énoncées.
D’abord, la nécessité indéniable de “sécuriser le financement” d’après le sénateur Jean-François Husson. Le Vice-Président de la Commission des finances, Thomas Dossus, qui avait déposé un amendement identique, a souligné le “besoin d’un financement pérenne et durable”. “Quand on créé un établissement on doit assurer son financement et ça n’a pas été le cas” a insisté la sénatrice Sylvie Robert devant le ministre des comptes publics Thomas Cazenave.

Également, l’instauration d’un équilibre dans la contribution directe entre le secteur de la musique enregistrée et celui de la musique live. “La taxation de la musique enregistrée, va permettre de corriger un déséquilibre avec le spectacle vivant” a précisé Jean-François Husson.
Le budget du Centre national de la musique est actuellement composé d’une subvention de l’État, de la taxe billetterie (3,5%) et des contributions des organismes en charge des droits des créateurs et ayants droit.

Autre raison invoquée, l’existence d’une majorité faisant bloc pour la taxe streaming. “Pour avoir organisé une table ronde, il y a une majorité nette des participants en faveur de ce dispositif” estime Jean-François Husson, tandis que son homologue Thomas Dossus a fait part d’un “consensus”.

Les partisans de la taxe streaming sont le Prodiss (premier syndicat des producteurs live), l’UPFI (principal syndicat des labels indépendants), le SMA (autre syndicat des indépendants). Les opposants sont l’ESML (fédération des plateformes de streaming), le Snep (syndicat des majors et d’autres labels), La Scène Indépendante (syndicat de producteurs de spectacles indépendants).

Le Gouvernement critiqué pour son immobilisme

La taxe streaming s’inscrivant dans l’échiquier politique, le sénateur Husson (rapporteur général du budget) n’a pas manqué de saisir l’occasion de critiquer le Président de la République, pour sa “promesse non tenue” et le “Gouvernement aux abonnés absents, qui ne tient pas parole et n’apporte pas de solution”. “C’est bien une promesse du Président qui nous pousse à revenir à la charge” a souligné le sénateur Thomas Dossus. “Il appartiendrait au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Je regrette que le Sénat soit finalement placé en situation d’arbitre” a ajouté Laurent Somon, membre de la Commission des finances.

Emmanuel Macron avait effectivement déclaré que la taxe streaming serait instaurée à défaut d’accord à compter du 21 septembre, lors d’une prise de parole informelle durant la Fête de la musique à l’Élysée. La ministre de la Culture s’était limitée à “quelques mots sur le Centre national de la musique” devant les députés en amont de la première lecture, assurant sa mobilisation pour parvenir à un accord, mais sans autres initiatives que les réunions confidentielles avec les représentants des plateformes.

L’arbitrage attendu du Gouvernement

Les sénateurs espèrent que la taxe streaming sera maintenue dans la version finale du PLF 2024. “Ce que je souhaiterais pour l’ensemble de ces acteurs est que le travail fait ici soit également suivi d’effets. On n’a pas l’habitude de faire des promesses pour le plaisir” a déclaré Jean-François Husson juste avant le vote favorable émis par le Sénat.

Le Gouvernement dispose néanmoins d’un joker, l’activation de l’article 49.3 lors du retour du Projet de loi de finances à l’Assemblée Nationale. Reste à voir si Emmanuel Macron et Élisabeth Borne prendront acte du vote des sénateurs en maintenant le texte, ou s’ils décideront d’écarter la création de la taxe streaming une fois pour toute. Du moins, pour l’année 2024.

La ministre de la Culture l’a assuré lors d’échanges informels: une décision sera prise avant la fin de l’année 2023 pour garantir le financement du Centre national de la musique, que ce soit par une contribution volontaire ou avec la taxe streaming.


Jason Moreau

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