La taxe streaming a été instituée pour doter le Centre national de la musique de ressources nouvelles et pérennes. Les plateformes leaders sur le marché français avaient mis en exergue l’impact financier du dispositif durant les discussions avec les professionnels et le gouvernement. Spotify charge et durcit le ton, deux mois après l’entrée en vigueur de la taxe. La plateforme adopte des mesures drastiques, dont une nouvelle hausse de prix pour la France.

Spotify officialise sa riposte à la taxe streaming. Au préalable, les plateformes avaient prévenu qu’elles ne pourraient pas absorber cette taxe en raison de leurs faibles marges, et qu’elles seraient contraintes d’augmenter leurs prix.

Spotify a annoncé le 7 mars une nouvelle hausse pour les abonnements en France, dans une annonce sur X totalisant plus de 5 millions de vues en 48 heures.
“Prochainement, nos abonnés en France subiront une augmentation de prix en raison de coûts supplémentaires sur les services de streaming musicaux, imposés par le gouvernement français dans le cadre de la taxe CNM”.

Les abonnements les plus chers dans l’UE

La taxe streaming viendrait exacerber la pression fiscale sur l’entreprise, selon ses dirigeants. Les prévisions de rendement global sont de 15 millions d’euros pour cette année.

“Avec la création de cette taxe, Spotify devrait reverser environ deux tiers de chaque euro aux ayants droit et au gouvernement français. Il s’agit d’un montant conséquent qui ne permet pas d’assurer la pérennité de l’entreprise. Nous avons toujours été très clairs en la matière – nous ne pouvons tout simplement pas absorber des taxes supplémentaires”

La nouvelle grille tarifaire de Spotify sera communiquée au cours des semaines à venir.
Les prix avaient globalement augmenté d’1 dollar dans une soixantaine de pays, dont les principaux marchés, au second semestre 2023.

Première certitude, les abonnements à Spotify en France seront d’office les plus chers au sein de l’Union Européenne.
Une précision qui n’est évidemment pas hasardeuse.

Riposte économique et politique

La plateforme déploie une véritable stratégie de riposte à la taxe streaming sur le plan économique et politique. D’abord, avec l’annonce d’une nouvelle hausse de prix, sciemment présentée comme une conséquence de la taxe (1,2% sur le chiffre d’affaires).
Dans le contexte social que l’on connait, les nouvelles hausses de taxes se heurtent à une opposition plus ou moins radicale, et accentuent l’impopularité du gouvernement.

La mise en avant de la contribution majeure de Spotify pour la croissance et la prospérité du marché de la musique enregistrée, ainsi que de son rôle important en tant que partenaire de la filière, fait également partie de la stratégie.
Spotify a précisé avoir reversé aux ayants droit (labels, artistes, éditeurs..) environ 25% du chiffre d’affaires du marché de la musique enregistrée en France en 2022.

Un autre axe de la riposte de Spotify consiste à “désinvestir la France”, avec des baisses de budgets de marketing et de sponsoring.
La plateforme confirme “avoir pris la décision difficile de réduire le budget marketing pour les artistes et le soutien aux festivals” .

Dans la foulée de la validation de la taxe sur le streaming par le Gouvernement et son vote par le Parlement en décembre 2023, les dirigeants de Spotify France avaient décidé de mettre fin à leur partenariat avec deux festivals parmi les plus populaires.

“Suite à l’annonce de la mise en place d’une taxe sur le streaming, Spotify cessera de soutenir le Printemps de Bourges et les Francofolies à compter de 2024, financièrement et par le biais d’activations” avait annoncé Antoine Monin, Directeur Général.

Les deux festivals emblématiques sont organisés par Morgane Groupe, fondé par Gérard Pont, un pilier du live en France éminemment proche du Prodiss.
Le syndicat des producteurs, exploitants de salles et organisateurs de festivals était précisément la principale et la première organisation favorable à la création de la taxe streaming, dans un souci d’équité avec la taxe sur la billetterie.

La stratégie de Spotify inclut également un volet politique. Les dirigeants de la plateforme se sont décidés à soulever des sujets épineux en lien direct avec la taxe streaming. Le budget du Centre national de la musique, ainsi que la pertinence et l’impact des missions, aides, et services de l’établissement.